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Cambodge : une nouvelle destination pour les investissements

01/11/2012
Un chantier mené par l’entreprise taiwanaise TCM Engineering à Phnom Penh.

Les entrepreneurs sont toujours à la recherche de nouvelles destinations où investir. Trop souvent, le déficit d’infrastructures dans le pays d’accueil les décourage. Mais pour Huang Chao-ching, [黃朝晴], les routes cabossées de Phnom Penh, la capitale du Royaume khmer, semblent au contraire pavées d’or.

« La première fois que je suis arrivé ici dans les années 90, il n’y avait que très peu de routes goudronnées dans la capitale. J’étais très heureux de découvrir cette réalité parce que pour moi, cela signifiait un grand nombre d’opportunités. J’ai donc apporté les techniques de goudronnage au Cambodge et j’ai implanté ici une usine d’asphalte. J’étais le premier étranger à entrer sur ce marché. »

En 1995, Huang Chao-ching fonde TCM Engineering. Aujourd’hui, 50% des routes de Phnom Penh sont goudronnées et TCM détient la plus grosse part du marché de la construction de routes au Cambodge. Sans aucun doute, l’entreprise taiwanaise a joué un rôle majeur dans ce développement. Mais pour Huang Chao-ching, la priorité est désormais de se préoccuper de l’autre moitié des routes de la capitale, celles encore non goudronnées. En province, cette proportion s’élève à 80% du réseau routier. Pour lui, cela veut dire que les affaires seront bonnes pendant encore au moins dix ans.

Les entreprises qui cherchent à s’implanter à l’étranger donnent évidemment la priorité aux destinations où les coûts du travail et des terrains sont les plus bas, là où la législation fiscale et la réglementation sont les plus avantageuses, et le niveau de qualification de la main-d’œuvre le plus élevé. Les entreprises taiwanaises ont trouvé au Cambodge une conjonction de ces facteurs très favorable. L’entrée du royaume au sein de l’Association des nations d’Asie du Sud-Est (ASEAN), en 1999, signifie également que les produits fabriqués au Cambodge jouissent non seulement de tarifs douaniers très avantageux ou inexistants au sein de la zone de libre-échange de l’ASEAN, mais aussi en Inde, au Japon, en Chine continentale ou en Corée du Sud, des Etats qui ont tous signé des accords de libre-échange avec l’ASEAN.

Les entreprises implantées sur place peuvent également profiter d’autres avantages. Depuis l’entrée du Cambodge à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en 2004 avec le statut de pays en développement, il bénéficie des systèmes unilatéraux de préférence, tels que le Système généralisé de préférences (SGP) ou la Clause de la nation la plus favorisée (NPF). En conséquence, les produits fabriqués sur place sont rarement soumis à des quotas ou des taxes supplémentaires.

« Il y a un grand nombre de raisons d’investir au Cambodge : le marché y est libre, il y a une main-d’œuvre abondante, le coût du travail y est bas et on bénéficie de systèmes préférentiels du fait des mécanismes de l’OMC, pour n’en citer que quelques-unes », explique Larry Kao [高哲雄], directeur de Manhattan International Co. Toutes les nouvelles entreprises au Cambodge sont exemptées de l’impôt sur les sociétés pour une période de huit ans, souligne-t-il, et l’Etat khmer n’impose pas non plus les importations et les exportations de matériaux de construction, de biens d’équipement et de matières premières. L’objectif est évidemment d’encourager la construction d’infrastructures et le développement économique.

En 2005, l’entreprise de Larry Kao fonde la zone économique spéciale Manhattan (MSEZ), à Bavet, dans la province de Svay Rieng, située dans le sud-est du royaume. C’est la première zone de ce type fondée au Cambodge et l’une des plus actives parmi la vingtaine qui se sont créées depuis. Larry Kao attribue ce succès à la position géographique de la MSEZ qui n’est qu’à 65 km seulement de l’Aéroport international Tan Son Nhat, à Ho Chi Minh-Ville (Saïgon) et à 80 km du port de cette métropole vietnamienne, ce qui permet des économies sur les coûts de transport aérien et maritime.

Les conteneurs qui sont traités par la MSEZ sont inspectés par les autorités douanières sur place et peuvent ensuite passer la frontière avec le Viêt-nam sans avoir à subir d’autres procédures. La présence de bureaux d’un grand nombre d’administrations cambodgiennes dans la MSEZ permet également d’accélérer le passage en douane, l’attribution de permis d’exploitation, de certificats d’origine et d’autorisations d’exporter ou d’importer. Jusqu’ici, un total de 18 entreprises originaires du Japon, de Chine continentale, de Singapour, de Taiwan, du Viêt-nam et des Etats-Unis ont implanté des chaînes de production dans la MSEZ. Ensemble, ces sociétés emploient plus de 8 000 personnes pour fabriquer des sacs, des bicyclettes, des combinaisons de plongée sous-marine, des vêtements, des chaussures, des vis et des textiles.

Larry Kao est fier des progrès que le Cambodge a accomplis ces dernières années. « Les efforts du gouvernement pour libéraliser le commerce, simplifier les procédures d’investissement et développer les infrastructures ont contribué à un développement économique rapide », note-t-il. Huang Chao-ching partage cet avis. Le Cambodge a connu une guerre civile atroce qui a duré plus d’une vingtaine d’années. Avec le retour à la stabilité politique au début des années 2000, les réformes en faveur d’une économie de marché et l’assistance financière offerte par le Japon, les Etats-Unis, la Corée du Sud et la Chine, le taux d’équipement en infrastructures a augmenté et l’environnement d’affaires s’est considérablement amélioré.

Aller vers le Sud

Cristina Yu [游貴蘭], la présidente de l’Association de commerce de Taiwan (TCAC), explique qu’à peu près 300 entreprises taiwanaises opèrent au Cambodge, la plupart ayant investi dans le textile, les chaussures et la construction de routes. Les entrepreneurs taiwanais ont commencé à s’intéresser au Cambodge au début des années 90 dans le cadre de la politique lancée par le gouvernement taiwanais incitant les entrepreneurs à « aller vers le Sud » et qui cherchait à renforcer les liens économiques avec l’Asie du Sud-Est pour éviter une trop forte dépendance du marché chinois.

 

La zone économique spéciale Manhattan a été fondée dans la province de Svay Rieng à l’initiative du groupe taiwanais Manhattan International, en 2005. Aujourd’hui, 18 entreprises sont implantées dans cette zone. (aimable crédit de manhattan international)

Panda Lin [林志龍] est directeur général de G-Spec International, un fabriquant de prêt-à-porter. Il explique que sa société s’est d’abord implantée au Viêt-nam en 1993, avant de se relocaliser au Cambodge en 1997 afin de profiter des avantages fiscaux dont jouissait le Cambodge dans son accès au marché européen. En Europe, les produits textiles importés depuis le Viêt-nam sont soumis à une taxe de 12,5%, précise-t-il.

Face à l’augmentation du coût du travail partout en Asie du Sud-Est et sur le continent chinois, le Cambodge fait figure de paradis pour les entrepreneurs. Le salaire mensuel minimum y est de 61 dollars américains, ce qui est très attractif pour une entreprise comme G-Spec International. Aujourd’hui, avec ses trois usines, l’entreprise taiwanaise emploie plus de 2 600 personnes sur place. « Le coût du travail a considérablement augmenté récemment au Viêt-nam et les syndicats sont devenus tellement puissants qu’ils appellent à la grève pour un oui ou pour non, explique Panda Lin. C’est pour cette raison que nous concentrons nos opérations au Cambodge d’autant plus que l’environnement d’affaires et le cadre de vie ont beaucoup gagné en qualité ces dernières années. Avec le coût du travail qui est peu élevé, c’est très bien pour nous », souligne-t-il.

De manière similaire, Charlie Chang [張漢昌], responsable chez Huey Chuen, une société taiwanaise qui fabrique des chaussures, explique que son entreprise s’est d’abord implantée au Viêt-nam et en Chine continentale. En 2006, face aux taxes imposées par l’Union européenne contre la concurrence déloyale sur les chaussures en cuir importées de Chine (16,5%) et du Viêt-nam (10%), Huey Chuen a délocalisé au Cambodge. « Les tarifs préférentiels accordés aux produits cambodgiens par de nombreux Etats ont représenté la principale raison de notre implantation ici », poursuit Charlie Chang qui s’attend à voir beaucoup d’entreprises débarquer au Cambodge avec la hausse, ces deux dernières années, des coûts du travail en Chine et au Viêt-nam.

Huey Chuen est l’un des plus gros fournisseurs de la marque allemande Puma. Aujourd’hui, l’entreprise a deux usines à Phnom Penh qui emploient un total de 6 000 ouvriers et produisent 12 000 paires de chaussures chaque jour.

Au total, Taiwan est le sixième investisseur étranger au Cambodge. La présidente de la TCAC dit que le nombre d’entreprises taiwanaises ayant choisi de s’implanter ici a eu un effet d’attraction sur le secteur taiwanais des services. First Commercial et Mega International, deux banques taiwanaises, ont ouvert des bureaux à Phnom Penh par exemple, alors qu’EVA Air et China Airlines proposent maintenant 10 vols directs par semaine entre Taipei et la capitale cambodgienne, un trajet qui ne prend que trois heures et demie de vol.

First Commercial est devenue la première institution financière taiwanaise à entrer sur le marché cambodgien en y ouvrant une filiale en 1998. En 2008 et 2009, deux nouvelles agences étaient ouvertes à la recherche de nouveaux clients.

Leu Shiann-wen [呂憲文], directeur général de la banque First Commercial à Phnom Penh, explique que les besoins en matière de services de financement pour les entreprises ont augmenté au fur et à mesure que les sociétés taiwanaises, chinoises et vietnamiennes implantaient au Cambodge leurs chaînes de production. Cette augmentation a également attiré plusieurs autres institutions financières étrangères, souligne Leu Shiann-wen, qui reste cependant confiant dans la capacité de sa banque à conserver ses parts de marché au Cambodge. En effet, comme il le note, une présence ancienne et la qualité des services proposés sont des gages de réussite. First Commercial possède autant de clients taiwanais que cambodgiens.

Mega International a ouvert sa première filiale à Phnom Penh en septembre 2001. « Nous suivons les entrepreneurs taiwanais, où qu’ils aillent », déclare Andy Yang [楊敬夫], vice-président et directeur général de la filiale de Phnom Penh de Mega International. « Le Cambodge est un pays qui renferme un potentiel de croissance important. Les investisseurs du continent chinois et de Taiwan participent très activement au développement de l’économie locale depuis des années et pour Mega International, ce sont bien sûr des clients à prendre. »

En fait, le Cambodge offre aussi aux banques un grand nombre d’opportunités qui n’existent pas à Taiwan. Par exemple, les taux d’intérêt pratiqués au Cambodge dans le cadre des services de prêt sont bien plus élevés qu’à Taiwan, ce qui représente une niche lucrative pour les établissements bancaires, explique Andy Yang. Mega International a ainsi adopté une stratégie de développement très agressive qui correspond bien aux opportunités d’affaires sur place.

 

G-Spec International, un fabricant taiwanais de vêtements, est implanté au Cambodge depuis 1997 et profite des avantages commerciaux accordés à ce pays par l’Union européenne.

Le gouvernement cambodgien a conscience de ce qui attire les investisseurs étrangers sur son territoire, souligne Vuthy Chea, responsable au Conseil pour le développement du Cambodge (CDC), une structure publique, qui note que les investisseurs étrangers sont toujours les bienvenus dans le royaume parce qu’ils injectent des capitaux, payent des impôts et créent des emplois. « Nous sommes convaincus que le secteur privé peut contribuer à la reconstruction de notre économie après les 20 ans de guerre civile que nous avons subis. Nous savons que le Cambodge est un petit marché mais nous devons ouvrir notre économie et encourager les investisseurs potentiels à venir du monde entier », explique le fonctionnaire cambodgien. Dans cette perspective, le CDC a établi un guichet unique à Phnom Penh où les investisseurs peuvent trouver toutes les informations nécessaires et procéder aux démarches pour implanter une entreprise. On trouve des services identiques au sein des zones économiques spéciales. La banque taiwanaise Cathay United prévoit également d’implanter une filiale à Phnom Penh, note Vuthy Chea.

Les emplois créés grâce aux investissements étrangers sont particulièrement appréciés, poursuit Vuthy Chea, parce que 200 000 jeunes arrivent sur le marché du travail chaque année et se tournent naturellement vers le secteur privé, alors que les postes offerts dans le secteur public ne couvrent que 5 à 10% de la demande. Il appelle ainsi les investisseurs taiwanais à diversifier leurs investissements vers des secteurs tels que l’agriculture, y compris le conditionnement des produits agricoles, mais également ceux de la médecine et de l’électronique, là où les Taiwanais possèdent une maîtrise technologique de haut niveau.

La formation

Le plus important, selon Vuthy Chea, est que les investisseurs étrangers se préoccupent de la formation de la main-d’œuvre, un élément qui se révèlera déterminant pour l’avenir si le Cambodge est appelé à connaître le même développement que la Chine ou le Viêt-nam, d’autant plus qu’il ne sera pas éternellement possible de s’appuyer sur le bas coût du travail pour attirer les capitaux.

Nguon Meng Tech, le directeur général de la Chambre de commerce cambodgienne (CCC), attache aussi une grande importance au rôle que joue le secteur privé dans le développement économique. La CCC a été fondée en 2008 par les représentants de la Chambre de commerce de Phnom Penh et onze des 23 provinces que compte le pays. La chambre organise régulièrement des forums où les responsables gouvernementaux rencontrent les acteurs du secteur privé, et durant lesquels il s’agit de travailler à l’amélioration de l’environnement d’affaires au Cambodge. « Ces forums sont conçus comme des mécanismes de consultation motivés par les besoins de la communauté d’affaires. Le secteur privé identifie les problèmes et formule des recommandations. Il s’agit d’une plateforme d’échanges fiable qui facile le dialogue et permet de construire une relation plus solide entre le gouvernement et la communauté d’affaires locale et étrangère », explique Nguon Meng Tech.

La CCC organise également un grand nombre de rencontres d’affaires pour mettre en relation des acheteurs avec des vendeurs, des partenaires potentiels pour la création de co-entreprises, mais aussi des conférences, des séminaires, des expositions ainsi que des missions commerciales à l’étranger. Par exemple, note Nguon Meng Tech, la CCC a organisé plusieurs expositions sur Taiwan et a effectué plusieurs voyageurs d’affaires dans l’île en coopération avec le TAITRA, l’agence taiwanaise en charge de la promotion du commerce extérieur.

Les investissements taiwanais au Cambodge semblent être une source de bénéfices mutuels, et les deux pays cherchent constamment à faire progresser les relations. Du point de vue khmer, Nguon Meng Tech regrette toutefois que les hommes d’affaires locaux soient obligés de se déplacer jusqu’à Ho Chi Minh-Ville pour faire une demande de visa, puisqu’il n’existe au Cambodge aucune structure officielle représentant les intérêts de la République de Chine. Le plus souvent d’ailleurs, c’est un visa à entrée unique qui leur est octroyé, ce qui suppose que plusieurs voyages devront être faits vers Ho Chih Minh-Ville. Nguon Meng Tech souhaite donc que le gouvernement de la République de Chine octroie des visas à entrées multiples aux hommes d’affaires khmers dans l’attente de l’assouplissement des règles existantes.

Du côté taiwanais, c’est sur le plan culturel que se posent les problèmes. Charlie Chang souligne par exemple les difficultés auxquelles il fait face dans la gestion des employés locaux, notamment à cause de la barrière de la langue et des pratiques culturelles locales. Le nombre de jours fériés dont bénéficient les employés représente un autre problème pour un entrepreneur, dit-il. Pour Huang Chao-ching, il est nécessaire de s’adapter : « Nous ne pouvons simplement pas appliquer le système de gestion qui prime à Taiwan et nous devons ajuster nos pratiques aux particularités locales pour construire une relation de travail stable et solide avec nos employés. » Huang Chao-ching sait qu’un encadrement adapté et tournée vers la compréhension des ouvriers locaux est le meilleur moyen d’obtenir de bons résultats. TCM nourrit ses employés le midi et les loge dans des habitations confortables. Des primes de fin d’année, qui peuvent représenter jusqu’à cinq mois de salaire, sont également attribuées tandis que des formations sont régulièrement organisées.

« Aujourd’hui et malgré les défis qui continueront de se présenter à l’avenir, le Cambodge est en train d’émerger comme une des destinations favorites pour les entreprises taiwanaises, note Cristina Yu, et grâce au soutien actif du gouvernement cambodgien et au faible coût du travail, cette tendance devrait s’affirmer de manière de plus en plus évidente. »

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